mercredi 21 septembre 2011

La Musique concrète III : Pierre Schaeffer et Pierre Henry : Symphonie pour un homme seul



Entre 1949 et 1950, la collaboration de Pierre Schaeffer et de Pierre Henry donne naissance à une oeuvre d'une ampleur inégalée : la Symphonie pour un homme seul. Comme son titre l'indique, cette composition à deux créateurs se présente comme une symphonie en raison de sa longueur et de sa très grande profusion sonore, bien qu'elle emprunte plutôt dans sa structure la forme d'une suite à la française, selon la succession de "douze séquences d'allure, de caractère, de textures et de scansions variés", ainsi que le note Anne Rey. Le titre quant à lui se réfère à la volonté commune des deux compositeurs de peindre l'homme de l'intérieur et de l'extérieur, dans l'équivalent musical d'un théâtre de l'individualité selon ses différentes humeurs, dispositions intérieures, tensions, désirs, aspirations et confrontations, dans un esprit qui n'est pas très éloigné des conceptions de l'individualité alors mises en scène par un Ionesco ou un Beckett.



Pierre Schaeffer commente ainsi le lien artistique qui l'unit à Pierre Henry et donne naissance à la Symphonie pour un homme seul : "J'étais seul et égaré. C'est alors que survint Pierre Henry. Il était timide et habile, il parlait peu, mais dès les premières séances le piano préparé parlait pour lui, et de quelle façon prestigieuse ! C'est à cette époque que nous avons composé ensemble la Symphonie pour un homme seul. J'en avais l'idée, le canevas, la volonté. Pierre Henry y apporta matériaux, inspiration, virtuosité. C'était une rencontre providentielle - ou diabolique - un ménage de sorciers."



L'analyse de cette collaboration telle qu'elle s'incarne dans l'oeuvre confirme la complémentarité des deux "Pierre" évoquée par Pierre Schaeffer dans son hommage à l'apport de Pierre Henry. Comme le remarque Anne Rey : "C'est la voix du premier, éructant, sifflant, fredonnant ou s'affrontant à un rire de femme qu'on entend dans la Symphonie d'aujourd'hui (version en douze mouvements remaniée en 1951 et remasterisée en 1966 par Pierre Henry). Ce sont les mains de ce dernier qui frappent furieusement les touches du piano préparé, glissent ici une valse, là un tango narquois ; elles qui soumettaient les timbales à d'exquises tortures et qui ont délicatement sorti des cordes d'un violon ce son tournoyant, peu à peu transformé en stridance pure, qui couronne toute l'oeuvre de son accord final."





Toutes les dimensions de l'existence intérieure de la conscience sont envisagées, de l'érotique à l'héroïque, non sans humour et sens de la dramaturgie. En ce sens, l'oeuvre est une véritable expérience de la conscience en proie à ses extases, ses démons et ses marionnettes intimes.









La suite des mouvements, en référence à diverses formes issues de l'écriture classique, permet de donner naissance à de petits théâtres secondaires à l'intérieur du grand théâtre général de la conscience. Chacun propose son petit drame, ses acteurs, ses situations entraînées dans une implacable mécanique musicale. Ce sont autant de voix tourbillonnantes et obsédantes qui hantent la solitude de l'homme sonore né de la collaboration des deux "Pierre".
En dehors de Prosopopée II qui constitue en fait le septième mouvement de l'oeuvre, et des mouvements absents de cette page, l'ordre des vidéos présentées ici correspond à celui de la Symphonie pour un homme seul.

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